Pourquoi le coordinateur de parcours devient incontournable ?

Imaginez un orchestre sans chef d’orchestre. Chaque musicien jouant sa propre partition, sans harmonie avec son voisin. C’est ainsi que, pendant des années, nos systèmes d’accompagnement sociaux et médico-sociaux ont fonctionné : chaque service jouant sa propre mélodie.

Tout travailleur social ayant exercé durant les années 2000 s’en souvient : les publics accompagnés et vulnérables étaient pris en charge par divers acteurs (services sociaux, professionnels de santé, services administratifs, lieux de vie, accueils de jour…), chacun intervenant de manière indépendante et répondant à aux besoins spécifiques et ponctuels de la personne. Chaque structure agissait de façon cloisonnée, sans réelle coordination globale, si ce n’est lorsque l’initiative des référents sociaux consciencieux permettaient de favoriser des partenariats de coordination. Ce manque de collaboration engendrait des risques de ruptures de parcours : des usagers mal orientés, sans suivi cohérent, passant d’un service à l’autre sans solution durable.

Désormais, le coordinateur de parcours apparaît comme le chaînon manquant ! En plaçant l’individu au centre d’un réseau de services coordonnés, ce métier donne du sens à l’accompagnement. Il fluidifie la résolution des problématiques sociales, médicales et professionnelles.

1. Les origines et évolutions du métier

Le métier de coordinateur de parcours, bien que récent, trouve ses racines dans des pratiques de coordination et d’accompagnement qui ont évolué au fil des décennies. Il ambitionne de répondre aux besoins croissants de transversalité dans les secteurs social, médico-social et sanitaire.

 

Des prémices de la coordination à la reconnaissance institutionnelle

Après la Seconde Guerre mondiale, « case management » est apparu aux États-Unis pour faciliter l’orientation des blessés de guerre vers les services appropriés. Cette approche s’est ensuite étendue d’autres domaines, notamment l’accompagnement des personnes en difficulté sociale, en situation de handicap, en recherche d’emploi ou luttant contre des addictions. En France, un processus similaire s’est développé progressivement. Initialement appliqué aux « situations dites complexes », il s’est étendu à une variété de bénéficiaires, quel que soit leur âge ou leur situation :

  • Les années 1980 ont vu la création des missions locales, des services de proximité visant à coordonner les actions en faveur de l’emploi et de l’inclusion sociale des jeunes actifs.
  • En parallèle, la reconnaissance et la formation des conseillers d’orientation ont posé les jalons de la coordination de parcours.
  • Avec la complexification des parcours de santé et d’insertion, le besoin d’une figure dédiée à l’harmonisation des actions s’est accentué au-delà de l’insertion professionnelle. Des formations spécifiques ont ainsi vu le jour.
  • Créée en 1995 sous l’intitulé Chargé d’insertion et du développement local, cette formation a évolué pour devenir CISP Coordinateur de Parcours d’Inclusion Sociale, Médico-sociale et Professionnelle. Ce titre de niveau Bac +2 est devenu une référence dans l’accompagnement vers et dans l’emploi des personnes en difficulté, en parallèle du titre professionnel Conseiller en Insertion Professionnelle. Il témoigne de la richesse et de la complexité de ce métier.
  • En 2023, le titre CISP a été revalorisé vers un Niveau 6 CEC (Bac +3). Une forme de reconnaissance de la part de France Compétences du niveau de responsabilité et de complexité du métier de coordinateur de parcours.

Le métier de coordinateur de parcours est ainsi reconnu en tant que compétence métier. D’autres formations également ont vu le jour, portés par des Instituts de formations nationaux souhaitant répondre à un besoin croissant pour ce métier. Les professionnels disposent désormais de plusieurs certifications France Compétences inscrites au RNCP.

2. Une reconnaissance du métier au cœur des politiques publiques

Aujourd’hui, le coordinateur de parcours est reconnu comme un acteur central dans le suivi des parcours complexes. Il évolue au sein d’équipes pluriprofessionnelles, en lien permanent avec les partenaires et les professionnels impliqués. Il garantit une prise en charge cohérente et adaptée aux besoins spécifiques des bénéficiaires.

Dit autrement, le métier de coordinateur de parcours s’est développé en réponse à la nécessité d’une approche globale de l’accompagnement, à l’image des évolutions sociétales des dernières décennies :

 

Une réponse au « Zéro sans solution »

Dès 2014, le rapport Piveteau alertait sur les risques de ruptures de parcours, pourraient engendrer des situations de détresse. Cette urgence sociale a mis en évidence le besoin croissant de professionnels capables de fluidifier les parcours complexes des personnes les plus fragiles.

 

Évolution législative et réglementaire

Plusieurs lois et dispositifs récents convergent pour imposer aux acteurs médico-sociaux de mettre de la cohérence dans les parcours des personnes qu’ils accompagnent :

 

De facultatif à indispensable

Face à une demande sociale croissante et à la pression des ATC (Autorités de Tarification et de Contrôle), les organisations sociales et médico-sociales doivent impérativement structurer leurs réponses, et mettre en place des dispositifs de coordination des parcours. Cette attractivité pour le métier de coordinateur de parcours répond à plusieurs objectifs :

  1. Sécuriser les parcours en interne et en externe est désormais devenu la priorité des ESSMS,
  2. Fédérer les partenaires et le maillage d’acteurs du territoire autour d’un projet commun.

Cette évolution législative et sociale crée un contexte favorable au développement et à la professionnalisation de ce métier. Selon une étude de l’ANAP de 2022, les fonctions de coordination sont en pleine expansion. Notamment pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap.

Par exemple, dans le domaine de l’aide à domicile, on mesure déjà l’importance croissante du rôle de coordinateur de parcours, comme l’évoque cet article du Média Social. Cela permet notamment une détection précoce des situations à risque, et un accompagnement pluridisciplinaire renforcé cohérent.

3. C'est eux qui en parlent le mieux !

Afin d’illustrer les enjeux du métier, ainsi que son impact sur les bénéficiaires, nous avons sélectionné quelques témoignages de professionnels. Cette immersion dans leur quotidien met en lumière les arguments clés de ce métier passionnant.

Dans ce témoigne, Marie partage son expérience et les défis et satisfactions liés à son rôle. (Montage réalisé la Croix-Rouge française)

Un métier essentiel et récent :

« Tu exerces un métier qui, hier encore, n’existait pas. Aujourd’hui, on se demande comment on faisait sans toi. (…) Tu construis des passerelles entre le handicap et les projets de vie, entre le rêve et la réalité. »

 Une coordination pluridisciplinaire :

« Tu évalues les capacités des enfants avec des psychiatres, kinésithérapeutes, éducateurs, infirmiers, psychologues, orthophonistes et médecins généralistes. »

De formation éducatrice spécialisée, Emilie vous fait découvrir son métier de coordinateur de Parcours suite à sa formation complémentaire. (Vidéo réalisée par l’ADAPT)

Un lien essentiel avec les partenaires du territoire :

« Le coordinateur est chargé de développer les réseaux et les partenariats tels que la MDPH ou l’Éducation nationale. (…) Il va planifier, organiser, coordonner et mettre en place des actions au service du projet de vie de la personne, en lien avec toute une équipe pluridisciplinaire. »

Un métier tourné vers l’auto-détermination :

« Aujourd’hui, on n’expose plus d’emblée le champ des possibles aux jeunes et à leur famille. On leur demande plutôt comment ils imaginent l’avenir. »

Dans ce riche interview, Morgan revient sur sa perception de la profession. (Montage réalisée par des étudiants CS SAP 2022 de l’IUT d’Annecy)

Prévenir les ruptures de parcours : 

« L’objectif est d’éviter les ruptures, d’entendre l’expertise du vécu des personnes, et d’assurer qu’elles restent actrices de leur parcours plutôt que de le subir. »

Un métier qui redonne du pouvoir aux personnes :

« Mon rôle, c’est de leur dire : OK, voici les possibilités, je vous donne les éléments clés pour décider. Dites-moi ce que vous voulez, et je mets en œuvre… C’est une vraie logique d’autodétermination et d’exercice de la citoyenneté. »

4. Un métier porteur de sens... et de défis !

Ces précieux témoignages révèlent plusieurs aspects du métier de Coordinateur de Parcours. Nous avons pu identifier 3 facteurs d’épanouissement professionnel :

👉 Un initiateur de l’auto-détermination : Le coordinateur ne se contente pas d’orienter. il co-construit, avec la personne accompagnée, un projet de vie qui a du sens pour elle. Cette approche favorise l’émancipation selon un choix éclairé. C’est une mission profondément humaine et gratifiante.

👉 Un réseau professionnel précieux : Trouver la bonne combinaison d’acteurs pour répondre à un besoin, est une véritable prouesse intellectuelle et humaine. Ce chef d’orchestre de l’inclusion perçoit directement la portée de ses actions sur la vie des personnes.

👉 Une responsabilité assumée : Le coordinateur de parcours joue un rôle clé dans la détection des « trajectoires » à risque. Il sait déployer un filet de sécurité qui permet aux personnes accompagnées de surmonter les obstacles.

Mais ces témoignages mettent en lumière plusieurs des défis majeurs :

⚠️ Mettre tous les acteurs autour de la table : Chaque partenaire a ses propres priorités et contraintes. Coordonner plusieurs acteurs aux objectifs différents peut être un véritable casse-tête logistique.

⚠️ Une nouvelle approche : Certains publics ont longtemps été habitués à des prises de décisions descendantes. Faire émerger une posture de responsabilisation nécessite du temps, et une approche bienveillante envers les bénéficiaires et leur famille.

⚠️ Le manque de suivi dans le temps : Le travail social et médico-social est souvent axé sur l’urgence et l’opérationnel. Cela laisse malheureusement peu de place à l’évaluation et au retour d’expérience sur le temps long.

⚠️ La charge mentale et émotionnelle : Travailler avec des personnes aux parcours de vie compliqué, peut être émotionnellement éprouvant.

5. Une perle rare et recherchée

Grâce à son expertise et sa connaissance fine du maillage médico-social, le coordinateur de parcours est très sollicité dans de nombreux dispositifs et établissements du secteur médico-social :

  1. Les Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC),
  2. Les Méthodes d’Action pour l’Intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’Autonomie (MAIA),
  3. Les Plateformes Territoriales d’Appui (PTA),
  4. Les Centres Locaux d’Information et de Coordination (CLIC),
  5. Les structures d’insertion professionnelle,
  6. Les réseaux de santé,
  7. Les dispositifs PAERPA (Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie),
  8. Les services de maintien à domicile,
  9. Les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, etc…

A retenir

Le métier de Coordinateur de Parcours est stimulant et porteur de sens. C’est un trait-d’union entre acteurs  du médicosocial, et un créateur de passerelles entre les besoins des personnes et les ressources mobilisables. Il tient donc un rôle déterminant dans la capacité des personnes à retrouver autonomie et dignité. 

Mais pour faire face aux défis institutionnels et humains, il exige de grandes capacités pédagogiques, d’organisation et de résilience. Un métier passionnant, en pleine évolution, qui fait écho avec les nouveaux enjeux sociétaux.